Entre le ministère de l'Ecologie et ses partenaires de concertation, rien ne va plus. Au cœur de la discorde, une feuille de route sur la modernisation du droit de l'environnement attendue depuis plusieurs semaines et qui doit être préparée par le ministère avec l'appuie du comité de pilotage des Etats généraux de modernisation du droit de l'environnement.
L'élevage porcin comme détonateur
La tournure des discussions a poussé la fédération France Nature Environnement (FNE) à claquer la porte mi-septembre et à transmettre une lettre ouverte au ministre de l'Ecologie (1) dans laquelle elle dénonçait la préparation "de manière unilatérale" de décisions importantes relatives au code de l'environnement concernant les élevages industriels et l'articulation des procédures de protection de la biodiversité et d'urbanisme.
Annoncé par le Premier ministre lors du salon de l'élevage, le changement de régime de certains élevages porcins qui seront désormais soumis au régime d'enregistrement des installations classées, a déclenché les hostilités. FNE y voit clairement une "rupture du dialogue" et "la mort des Etats généraux". Si Philippe Martin s'est voulu rassurant en précisant que "toutes les décisions relatives aux autorisations d'élevages seront bien évidemment soumises à la consultation du public et toutes les parties prenantes, notamment au sein des États Généraux, pourront s'exprimer", la question cristallise encore la rancœur.
Une feuille de route présentée dans l'urgence
La discorde est montée d'un niveau hier à l'occasion d'une réunion du Comité national de la transition écologique (CNTE). Le ministère a enfin présenté la feuille de route tant attendue mais sa mouture est loin de faire l'unanimité. Le fait qu'elle ait été transmise seulement la veille aux membres de cette instance n'a pas permis son adoption. Le document a donc été mis sur la table et le ministère à donner huit jours pour l'amender.
En l'état, la feuille de route propose pêle-mêle la création de groupes de travail pour mettre en musique et suivre les expérimentations, notamment le "permis environnemental unique" et le "certificat de projet", clarifier et simplifier la mise en œuvre du régime des études d'impact, notamment pour celles qui relèvent de la catégorie dite du "cas par cas", améliorer l'organisation et l'indépendance de l'autorité environnementale, mettre en place un groupe de travail chargé d'étudier les moyens d'améliorer le contrôle et la répression des atteintes à l'environnement…
D'autres axes de travail ont été soumis au CNTE : la structuration du droit de l'environnement, la modernisation des enquêtes publiques, la mise en œuvre de la séquence "Eviter Réduire Compenser", l'expérimentation d'un dispositif d'"Opération d'intérêt économique et écologique" (OIEE), consistant en la délimitation de zones présentant un intérêt majeur pour l'implantation d'activités économiques identifiées, dans lesquelles les enjeux environnementaux feraient l'objet d'un traitement anticipé et collectif…
Un dialogue environnemental en péril
Un contenu qui ne semble pas du goût de l'avocat Arnaud Gossement. Ce membre du comité de pilotage s'est d'ailleurs officiellement désolidarisé du document proposé et a même évoqué une démission. Selon lui, le projet de feuille de route traduit une mauvaise volonté quant à l'introduction d'un dialogue et d'une participation du public dans l'élaboration du droit de l'environnement. "Le politique et les acteurs de la gouvernance à six ne peuvent être dessaisis de la question de l'élaboration du droit de l'environnement", explique-t-il. "Alors que l'objectif de cette feuille de route est le dialogue environnemental, rien n'est prévu pour le structurer vraiment. Au delà de quelques considérations générales sur la complexité du droit, rien n'est dit sur la méthode. Le risque est alors le suivant : que l'essentiel ne soit pas traité entre acteurs de la gouvernance à six mais ailleurs".
Une analyse partagée par Bertrand Pancher, député de la Meuse et responsable du Pôle Ecologie de l'UDI : ce projet de feuille de route "concentre dans les mains d'une partie de la haute administration le soin de décider des conditions de modernisation du droit de l'environnement. La participation des élus et des membres du CNTE se trouvant réduite, pour sa part, à quelques groupes de travail dont on ne sait pas qui les présidera. Par ailleurs nombre de sujets, tel que la simplification du droit ou le principe de non régression sont tout simplement écartés… Ceci est proprement inacceptable !"